La colère est un sentiment qui obscurcit notre capacité à faire face aux situations, ainsi qu’une réaction qui nuit à notre santé. Dans cet article, Albert Ellis aborde cinq faux mythes sur la façon de gérer ce sentiment pour le détruire.
Il a probablement entendu beaucoup de conseils de « bon sens » sur la façon de gérer la colère. Les magazines, les émissions de télévision et les experts de la radio proposent des solutions quotidiennes qui, en théorie, devraient vous aider à vivre une vie sans colère ni ressentiment. Mais malheureusement, beaucoup de ces idées ne fonctionnent pas vraiment. Si vous deviez parler à cinq professionnels de la santé mentale différents aujourd’hui et leur demander quelle est la meilleure façon de gérer la colère, vous obtiendriez probablement cinq réponses différentes. Certains « experts » vous diront que la solution à vos problèmes réside dans votre passé. La seule façon de résoudre efficacement la colère est de revenir en arrière et de guérir les vieilles blessures et les injustices qui ont fait de vous une personne anxieuse et en colère. D’autres, cependant, pourraient dire que le passé n’a rien à voir avec cela. Si vous changez votre travail actuel, vos relations ou les situations qui vous dérangent, vous vivrez sûrement une vie plus heureuse et plus saine, avec moins de colère. Et vous pouvez également entendre d’autres opinions sur la colère qui se contredisent. Certains professionnels vous conseillent de rester et d’éviter autant que possible les conflits avec les personnes à problèmes, par exemple en vous éloignant des situations difficiles et en ne revenant pas avant d’avoir refroidi votre colère. Au contraire, il y a ceux qui disent qu’il faut toujours exprimer sa colère : on peut le faire, par exemple, en s’exprimant ouvertement avec ceux contre qui on est en colère. Vous pouvez également exprimer votre colère indirectement lorsque vous êtes seul, que vous criez, que vous frappez des oreillers ou que vous vous livrez à une activité physique intense. Il existe de nombreux clichés sur la colère, mais pourquoi? Parce qu’il n’y a pas eu suffisamment de recherches scientifiques jusqu’à présent pour comprendre les causes et les solutions à ce problème. (…) Voici cinq des idées fausses les plus courantes sur la gestion de l’hostilité et de la colère. Pour comprendre la vraie nature de la colère, il faut examiner ces faux mythes et les défier avec scepticisme.
Faux mythe #1 :
L’expression active de la colère aide à la réduire – L’idée que pour réduire la colère, il faut l’exprimer activement vient de la pensée freudienne. Selon le modèle hydraulique des émotions développé par Freud (et Wilhelm Reich), au fil du temps, vos sentiments de colère s’accumulent et créent un réservoir d’énergie négative. Si elle n’est pas exprimée ou libérée, cette colère refoulée finira par exploser avec des manifestations physiques, des maladies et des troubles émotionnels. Les thérapeutes qui adhèrent à cette théorie vous encouragent à évacuer vos sentiments de colère pour vider le réservoir de tension refoulée. En vous forçant à répondre à ceux qui vous offensent ou accomplissent d’autres actes cathartiques, vous empêchez théoriquement l’énergie négative de s’accumuler à des niveaux nocifs. Ce faux mythe contient deux erreurs importantes. Premièrement, exprimer sa colère réduit les risques pour la santé. Deuxièmement : se débarrasser de l’hostilité le rendra moins en colère. Comme nous l’avons souligné (…) il existe de nombreuses preuves montrant que la colère chronique est un véritable facteur de risque de maladie cardiaque. Certaines études montrent un lien entre la rage supprimée et la maladie. Mais les gens qui expriment leur colère sont-ils vraiment mieux lotis que ceux qui ne le font pas? Absolument pas! (…) Qu’en est-il du faux mythe selon lequel ceux qui expriment leur colère ouvertement et librement deviennent moins enclins à la colère? La catharsis réduit-elle vraiment la colère? De nombreuses expériences psychologiques ont examiné cette question au cours des quarante dernières années : toutes ont conclu que les expressions verbales et physiques de la colère conduisent à plus de colère et de violence, pas moins. Laisser libre cours à la colère directement et indirectement tend à la renforcer et à la consolider. (…) Une autre raison pour laquelle ce faux mythe persiste est que la plupart des thérapeutes veulent sincèrement aider leurs patients à se sentir mieux. Parce que les patients peuvent éprouver un soulagement temporaire après avoir évacué leur colère, de nombreux thérapeutes se convainquent à tort qu’ils font quelque chose d’utile en les encourageant à évacuer leur colère. De plus, les thérapeutes veulent soutenir les patients. Après les avoir entendus décrire leur réaction à une injustice, le thérapeute peut penser qu’il est acceptable ou approprié que les patients s’expriment. Le conseil d’exprimer ouvertement sa colère peut suggérer que le thérapeute comprend et se soucie véritablement du patient. Malgré de nombreux essais réfutant la validité de la décharge de colère, de nombreuses formes de psychothérapie et de clichés continuent d’encourager cette idée dépassée. Si vous pensez également que se débarrasser de la colère est sain et productif, autant reconsidérer votre décision. (…)
Faux mythe #2 :
Faites une pause lorsque vous vous sentez en colère : Certains professionnels de la santé mentale qui comprennent les risques et les dangers liés à l’abandon de la colère vous diront d’essayer d’éviter ou de vous éloigner des situations où vous pourriez vous mettre en colère. Cette solution s’appelle « faire une pause ». Pratique, si vous vous fâchez avec vos enfants, faites une pause. Si vous commencez à fumer en colère au travail, allez vous promener et mettez-vous en colère. Sonne comme un bon conseil, non? Peut être pas. Cette gestion de la colère est également problématique. (…) A la longue, il est contre-productif d’éviter les situations de colère. Il y a deux raisons à cela. Premièrement, vous ne traitez pas de problèmes qui devraient être résolus. Fuir les difficultés ne les fait pas disparaître comme par magie, mais tend à se transformer en problèmes plus importants. Deuxièmement, éviter vos sentiments vous empêche de trouver la meilleure façon de les gérer. Pensez-y. Si vous fuyez une situation stressante, qu’apprenez-vous ? Très peu! La croissance personnelle ne peut se produire que si vous rencontrez des difficultés. Si vous évitez de vous enfuir, donnez-vous le temps de vous calmer, puis essayez de gérer les choses différemment. Ce que vous ferez vous apprendra quelque chose et vous aidera probablement à mieux gérer la situation à venir. La stratégie de faire une pause n’est cependant pas à exclure totalement. Il peut être important de prendre le temps de se calmer si votre colère est susceptible de blesser une autre personne. De plus, si vous apprenez à gérer les crises de colère, faire une pause peut être utile dans les premiers stades du changement. Cependant, en tant que stratégie à long terme, faire des pauses vous empêchera de contrôler vos émotions et de gérer efficacement les difficultés. Cela vous aidera seulement à les éviter.
Faux mythe 3 :
La colère vous pousse à obtenir ce que vous voulez ; Peut-être que vous, comme tant de gens, croyez que la colère vous donne la force d’obtenir ce que vous voulez. Ou cette colère vous pousse à surmonter l’adversité et l’injustice. (…) Es-tu convaincu que sans tes sauvetages de colère les gens ne t’écouteraient pas, ne te respecteraient pas ou ne feraient pas ce que tu veux? C’est vrai, certaines personnes ne le feraient pas. Et quelqu’un pourrait s’incliner devant votre colère. Peut-être que votre femme ou vos enfants feraient ce que vous demandez pour faire passer votre colère. Vos collègues pourraient même essayer de céder à votre colère. Oui, les gens peuvent ressentir votre colère quand vous criez et menacez… mais seulement à cause de la pression constante qu’ils subissent. Au fil du temps, ces personnes sont plus susceptibles de devenir amères et rancunières, de se retirer les unes des autres. (…)
Faux mythe #4 :
Revivre le passé réduit la colère – Il s’agit d’un autre faux mythe souvent inculqué par les professionnels de la santé mentale qui croient que pour vraiment contrôler la colère, il faut se souvenir et revivre mentalement les traumatismes de l’enfance qui ont déclenché leur colère à l’origine et qui le font toujours. Si vous acceptez ce faux mythe, vous pourriez passer des années et des années en thérapie à essayer de comprendre pourquoi vous êtes comme vous êtes. De nombreux analystes se feront un plaisir de vous laisser explorer chaque détail de votre enfance et de votre adolescence. Cette auto-exploration peut être intéressante, mais vous aidera-t-elle à réduire votre colère ? Je ne pense pas! Pour tester cette idée, utilisons une analogie. Supposons que vous soyez un joueur de tennis qui souhaite améliorer son jeu. Pour vous aider, engagez un entraîneur. Après plusieurs leçons et observations, l’entraîneur peut identifier, ou diagnostiquer, certaines des raisons qui limitent votre jeu et vous dire que vous tenez la raquette avec un angle légèrement erroné. Et puis votre posture lorsque vous frappez la balle est maladroite et erronée. Dans quelle mesure l’entraîneur serait-il proactif s’il passait des mois et des mois à essayer de vous faire comprendre pourquoi vous avez développé votre style de jeu maladroit? (…) Pour progresser, vous n’avez pas besoin de savoir où et comment vous avez développé votre style imprécis. Il serait beaucoup plus utile que vous et l’entraîneur passiez du temps à apprendre et à pratiquer une nouvelle prise et une nouvelle position. (…) Il est possible qu’il ait été maltraité ou négligé et qu’il ait été maltraité dans son enfance et que cela ait contribué à sa colère, mais se concentrer aujourd’hui sur les horreurs du passé n’aide pas beaucoup à être en meilleure santé. Au contraire, apprendre à recontextualiser ces expériences et remettre en question certaines des croyances génératrices de colère que vous avez encore à leur sujet peut aider à réduire la colère que vous ressentez aujourd’hui.
Faux mythe 5 :
Ce sont les événements extérieurs qui vous mettent en colère. Lorsque les gens se mettent en colère, ils ne veulent souvent pas assumer la responsabilité de leurs sentiments. Combien de fois avez-vous pensé ou dit : « Il m’a rendu fou », « Elle m’a provoqué », « Ces choses me rendent fou »? Avec de telles déclarations, vous sous-entendez que vos sentiments de colère sont hors de votre contrôle. Malheureusement, vous n’êtes rien de plus qu’une victime impuissante dont les émotions sont activées ou désactivées par la façon dont le monde vous traite. Si c’étaient vraiment des événements extérieurs qui nous mettaient en colère, nous réagirions tous de la même manière à ce qui se passe. (…) Différentes personnes réagiront différemment aux mêmes événements. En fait, vous ne réagissez pas de la même manière chaque fois que la même situation se présente. Qu’est-ce qui produit ces différentes réactions émotionnelles? La plupart du temps, ce sont vos croyances sur ce qui se passe qui déterminent vos réactions émotionnelles. Dans le cas de la colère, lorsque vous êtes frustré, vos réactions peuvent sembler presque automatiques. Vous pouvez avoir l’impression que la colère surgit d’elle-même en réponse à des événements extérieurs. Mais au lieu de cela, comme nous continuerons à le dire dans ce livre, il y a des croyances, que vous pouvez reconnaître assez facilement, qui vous poussent à créer de la colère et à continuer à la ressentir. C’est vous, et pas tout le monde, aussi haineux soit-il, qui crée votre colère. Oui, oui, vous! Pour réduire la colère et mieux faire face aux difficultés de la vie, vous devez abandonner l’idée que ce sont les situations injustes, les personnes désagréables et les grosses frustrations qui vous mettent automatiquement en colère. Oui, ils apportent une contribution. Mais c’est surtout toi qui crois ce que tu ressens. Accepter cette responsabilité est la première étape cruciale que vous devez franchir pour gérer efficacement votre colère.